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s / t

( texto para el MACT de Ginebra, 1995 )

Bruits de placards, tissus, le robinet et le train, de l’autre côté de la fenêtre, le premier train du soir. Il s’arrête, dit-il, au bout de la rue. On ne voit pas la gare d’içi ( l’Atlantique non plus ). On voit un point mauve devant la bouche du tunnel, une masse de verdure au gazon bien entretenu et le crâne des immeubles par-dessus les arbres. Le glissement est presque mécanique. Des puces de mer surgissent en vrac comme les étincelles d’un feu souterrain. Si nous sommes de si bon navigateurs, il ne faut pas en avoir la nausée; après avoir mangé le dernier escargot ( l’homme à jeun parle du rêve comme s’il parlait dans sans sommeil ), il s’est allongé sur le lit.

Un mélange de crèmes, d’outremer et de maillots de bain nous échange les visages. Ce plafond qui stagnera sur nos vertiges maritimes. Nous les avons tous mangés. Vingt-quatre. Et tu es toujours toi. Cela nous habite comme un courant, pense-t-il en souriant. Et tout est immobile. Le souvenir de nos regards balayés par le nord-est, le corps anonyme, dru et vaste, des journées de lassitude à l’échéance arbitraire.

J’avais réorganisé mon espace de travail en conséquence; les peintures étaient revenues sur le mur et avaient pris au sol la place de trois feuilles dépliées de papier journal. Tu aimes mais tu aimes en absence. J’avais rangé la cuisine, vidé une étagère, nettoyé la salle de bain…j’avais souligné quelques phrases dans un de ces journaux qui se traînaient par terre: pour vivre depuis moi-même, j’ai besoin d’être moi-même; c’est-à-dire, un homme enfermant une longue histoire qui, dans le meilleur des cas, est l’universalité. La plénitude de l’homme, sa liberté, sa capacité créatrice, ont besoin de posséder toute leur généalogie historique.

“Tout présent me pleure de larmes à cheval.”

Néanmois, au coucher du soleil et dans état de sensible narcissisme, les images patinèrent narquoisement et je me suis trouvé devant ma propre incertitude: à quoi bon se mélanger aux objets si, à présent nous ne sommes pas plus que ça, des objets, subissant je ne sais quelle condition de vie, je ne sais quel accident accroupi dans les yeux, sieste sur le large des villes, des pays, de ce paysage qui d’une absurde profondeur nous engloutit au fil des années ?

Il regardait mon bureau quand j’ai commencé à sentir, sous forme d’assoupissement, la lenteur d’un ultime sillage animal. Chemises cartonnées, pages de quatre-vingt-dix grammes, couvertures légères, épaisses, en croix ou en vrac; l’atelier maison est une forme pseudo-rectangulaire dans un étrange passage: même si le bâtiment qui nous enferme est le quatrième angle d’un carré urbain, nous n’avons que rarement la sensation d’être dans un carrefour. Il pensait plutôt, je crois, à “Reasons for knocking at an empty house”, à une chambre et à un homme.

( Un frisson déplace la mer, les bouées la marbraient souples, nous ralentissons sous la coque d’un même cargo au milieu du sommeil; le plaisir que l’Art nous offre ne nous appartient pas, à proprement parler; nous n’avons donc à payer ni  par des souffrances ni par des remords. )